Talk:Caids of Bordj Sebaou

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[[Image:LA BATAILLE D’ALGER]]

Au 31 mars 1957, quand s'achève la " bataille d'Alger ", il ne reste pas grand-chose de l'organisation politico-militaire du F.L.N. La mort de Ben M'Hidi et la fuite des autres membres du C.C.E. ont fait de Yacef Saadi le patron de la zone autonome d'Alger. Le premier problème qui se pose à Yacef Saadi est d'établir des liaisons avec ses supérieurs, qui se trouvent quelque part entre la Kabylie et la Tunisie. Dans la Casbah, qu'il n'a jamais quittée, la sécurité est bien plus précaire qu'avant. La ville arabe a été découpée en quartiers, îlots, blocs d'immeubles par le D. P. U. En dépit de ces difficultés, l'ex-boulanger, à qui la ruse n'a jamais manquée, parvient à rassembler autour de lui une sorte d'état-major restreint. Chaque membre se voit confier un rôle bien déterminé. Ali la Pointe, dont la photographie a été souvent à la " une " des journaux algérois, reste chargé des groupes de choc. Il sera assisté de Hassiba Bent Bouali. La jeune intellectuelle suivra l'ex-souteneur jusque dans la mort. Si Mourad, de son vrai nom Debih Chérif, dépanneur d'appareils électroménagers dans le " civil ", s'occupera à titre provisoire de l'organisation politico administrative. Plus tard, il deviendra l'un des responsables du réseau " bombes ". Pour l'heure, ce réseau créé par habib Reda et Haffaf sidali, qui constitueront une petite équipe de neuf hommes inconnus de Yacef Saadi. Ce dernier prend Ramel (Hadji Othmane) pour adjoint militaire et garde près de lui, en qualité de secrétaire, Djamila Bouhired et Zohra Drif. Son neveu Petit-Omar, un garçon de douze ans, assurera les liaisons. Dans les semaines qui suivent, le chef de la Z.A.A. récupère quelques rescapés : Haffaf Arezki, dit Houd, le responsable des liaisons et renseignements; Haffaf Mokrane, dit Si Mouloud commissaire politique willaya 3 R1 . Haffaf Nafaa,responsable des liaisons entre les wilayats et la Z.A.A, Skander Noureddine et Benhamida Abderrahmane, deux anciens des groupes armés;Ahmed Houhad ,Lachghar Laid,Salah Nour, Alilou, ancien proxénète, comme Ali la Pointe, qui servira plus tard le capitaine Léger, et enfin Ghandriche Hassan, un copain de football de 1943 celui qui a fait tomber la pyramide de la Z.A.A Vers la fin du mois d'avril, Yacef Saadi a rétabli les liaisons avec le C.C.E. Sa nouvelle organisation terroriste est prête à entrer en action. Elle est plus souple, plus légère et mieux cloisonnée que la précédente. Son chef a su tirer les leçons de la première " bataille d'Alger Il s'agit maintenant de lancer une nouvelle vague d'attentats pour montrer aux Français qu'à Alger le F.L.N. est loin d'avoir désarmé malgré les parachutistes.

Reprendre le combat en frappant la population civile, c'est aussi une nécessité politique pour contrebalancer l'action psychologique du 5è bureau au sein de la masse musulmane. Et puis il y a également, chez Yacef Saadi, l'impérieux besoin de prendre une revanche personnelle sur Massu. Un besoin que partagent tous ceux qui forment autour de lui le dernier carré et que Taleb Abderrahmane, le chimiste de la première " bataille d'Alger ", réfugié en wilaya 4 (Algérois).

La seconde manche ne s'engagera véritablement qu'au début du mois de juillet. En attendant, deux événements, très différents l'un de l'autre, vont sérieusement préoccuper Robert Lacoste. Au mois d'avril, la tension, qui était tombée avec la quasi-disparition des attentats terroristes, remonte brusquement dans les milieux européens. On annonce en effet pour le 23 avril l'arrivée à Alger d'une commission privée du parti de Mendès-France pour enquêter sur les tortures.

Aussitôt, c'est un vent de colère qui souffle dans toutes les associations d'anciens combattants, d'étudiants, les groupements " Algérie française "

Devant la menace des troubles que provoquerait l'arrivée des " enquêteurs " de la rue de Valois, le ministre résidant estime plus sage de leur interdire le voyage d'Alger. D'étranges dépanneurs L'autre événement se situe au début du mois de mai. Il sera plus ou moins étouffé par le Gouvernement général. Tout commence par un attentat. Chemins Polignac, dans le quartier du Ruisseau, vers minuit, deux terroristes abattent à coups de revolver deux parachutistes qui regagnent leur cantonnement après une soirée au cinéma. Sitôt informés, leurs camarades décident une action punitive pour les venger. Guidés par un membre du D.P.U. qui croit savoir qu'un certain bain maure abrite des terroristes, les paras enfoncent la porte de l'établissement, qui se transforme la nuit en asile pour les " clochards " du coin. Une centaine de pauvres bougres qui dormaient sur des nattes, à même le sol, sont réveillés en sursaut et alignés contre le mur. Les mitraillettes claquent... Les auteurs du double attentat étaient-ils dans le lot des victimes? On ne le saura jamais. Cette nuit-là, après des semaines d'accalmie, le sang d'innocents tache de nouveau le pavé d'Alger. Le sang de victimes civiles va encore couler le 3 juin. Une date qui marque la reprise du terrorisme à Alger. C'est un lundi. Il fait très chaud et la ville s'est mise en tenue d'été : robes légères pour les femmes et les jeunes filles, pantalons et chemisettes de toile pour les hommes. Le soleil, le ciel bleu, la mer lisse comme une patinoire chantent le retour des beaux jours. À Bab-el-Oued et sur les petites terrasses blanches de la Casbah, le linge qui sèche à l'air libre forme des guirlandes multicolores. Comme toutes les villes typiquement méditerranéennes, Alger vit dans la rue. Le dimanche, sur les plages des environs, on s'efforce d'oublier la dernière tragédie de l'hiver les bombes du 10 février au stade d'El-Biar et au stade municipal.

Vers 16 heures, ce 3 juin 1957, quatre hommes - des musulmans - vêtus de bleus de travail et coiffés de la casquette de drap bleu marine de l'E.G.A. (Électricité et Gaz d'Algérie) s'affairent au pied d'un lampadaire, rue Alfred-Lelluch, près du plateau des Glières, au bas de la grande poste. L'un d'eux, Merzaoubi Ahmed, ouvre avec une petite clé le regard aménagé dans le socle en fonte du lampadaire. Un de ses compagnons fait mine de resserrer des écrous de fixation. Il cède la place à un troisième homme qui dépose discrètement un paquet qu'il a tiré de la sacoche en cuir qu'il porte en bandoulière comme tous les dépanneurs de l'E.G.A. Ces hommes ne sont pas des ouvriers d'Électricité et Gaz d'Algérie. Ils appartiennent au réseau " bombes " de Habib Reda. C'est lui qui a eu l'idée machiavélique de placer des engins explosifs dans le pied des lampadaires, juste aux arrêts des trolleybus. Un militant du Front, qui travaille réellement à l'E.G.A., a fourni la clé et les uniformes. À l'heure de sortie des bureaux "Ça va faire un feu d'artifice comme on n'en a encore jamais vu ! S’est exclamé Ali la Pointe quand Habib Reda a annoncé "l'opération lampadaires " Leur " travail " terminé rue Alfred-Lelluch, Merzaoubi et ses trois complices se rendent tranquillement à pied au carrefour de l'Agha par le boulevard Baudin, passant ainsi devant le commissariat central d'Alger. Mais comment soupçonner quatre braves employés de l'E.G.A.? Au carrefour de l'Agha, les quatre terroristes choisissent le lampadaire le plus proche de l'arrêt du trolleybus pour placer le deuxième engin. Le troisième et dernier est mis dans un autre lampadaire, à la station du Moulin, juste au bas de la rue Hoche. Les trois bombes ont été réglées par Berazouane Saïd, un nouveau. Elles doivent exploser entre 18 h 25 et 18 h 30, à la sortie des bureaux, à l'heure où, aux arrêts d'autobus et de trolleybus, on fait queue pour rentrer chez soi. La première explosion a lieu rue Alfred-Lelluch. En quelques secondes, le trottoir est jonché de corps criblés d'éclats de fonte du lampadaire piégé. De partout on se précipite pour porter secours aux blessés tandis que les sirènes des ambulances mugissent lugubrement, rappelant les sombres jours de janvier et de février. Une vieille Mauresque, atteinte aux deux jambes, incapable de marcher, est portée vers une pharmacie toute proche par un pompier et un civil musulman.

C'est une scène identique qui se déroule, quelques minutes plus tard, à l'Agha, près du café Métropole, entre une bijouterie et un grand magasin d'articles de sports. Là aussi, la bombe terroriste a fauché indifféremment Européens et musulmans qui attendaient le trolleybus. Les victimes sont pour la plupart des gens de condition modeste, petits employés, ouvriers, dockers, ménagères. Des enfants aussi, qui sortaient d'une école.

Rue Hoche, c'est un véritable miracle qui a voulu que le troisième engin n'ait fait que deux blessés. En effet, il a éclaté quelques secondes après le départ du trolleybus. Les deux victimes sont deux jeunes gens que le véhicule, complet, n'a pas pu charger.

-Ces trois attentats feront huit morts, dont trois enfants de six, dix et quatorze ans, et quatre-vingt-douze blessés, dont beaucoup, comme les précédentes victimes des bombes du F.L.N., devront être amputés qui -d'un bras, qui d'une jambe.

Le soir même, la ville a changé de visage. Elle a pris son aspect des mauvais jours, des jours de colère. -En quelques heures, l'air s'est chargé de dynamite. Tandis qu'à l'hôpital de Mustapha les chirurgiens opèrent sans discontinuer et que, derrière les grilles, les familles des blessés attendent anxieusement des nouvelles, les Algérois serrent les poings de rage impuissante devant ce nouveau massacre. Dans les quartiers musulmans, ce n'est pas la rage mais la peur. La peur des représailles aveugles qui ajouteront la violence à la violence, les deuils aux deuils. Pourquoi pas le Casino? Le mercredi 5 juin, les pieds-noirs enterrent les morts des lampadaires sans se douter qu'une autre tragédie se prépare, aussi atroce, aussi meurtrière. En effet, le C.C.E. presse Yacef Saadi d'intensifier la reprise du terrorisme urbain. Il lui enjoint en même temps de préparer un dossier sur les tortures et d'ordonner aux musulmans de ne plus fumer, de ne plus consommer de l'alcool, de faire la grève de l'impôt. Dans l'esprit des " grands patrons " de la rébellion, il s'agit d'obtenir au plus vite cette cassure entre les deux communautés.

Comme il est hors de question de répéter l'opération " lampadaires ", il faut trouver un nouvel objectif où l'introduction d'un " truc " ne présentera pas de difficulté majeure. D'autre part, il convient de choisir un endroit fréquenté uniquement par des Européens, car, en frappant des musulmans, les bombes des lampadaires n'ont pas eu sur la masse l'impact souhaité. La propagande du F.L.N. a eu du mal à expliquer cette "erreur de tir ".

C'est alors que Ramel propose à Yacef Saadi le Casino de la Corniche. Il représente la cible idéale puisque les musulmans qui y sont admis se comptent sur les doigts de la main. Le Casino de la Corniche est connu de tous les Algérois au même titre que le Santa-Lucia, son rival. Il est situé à une dizaine de kilomètres à l'ouest d'Alger, près de Pointe-Pescade. C'est un imposant bâtiment bâti sur un éperon rocheux, face à la mer, un peu en retrait de la route littorale. On y accède par une longue allée de gravier soigneusement entretenue. En semaine, il est surtout fréquenté par les joueurs.

Le samedi et le dimanche, il attire la foule des danseurs. A son programme, les vedettes de la chanson en tournée en Algérie, des fantaisistes, des attractions de classe internationale. Dario Moréno a beaucoup de succès à chacun de ses passages. Le fameux travesti Coccinelle y vient souvent avec la troupe du Carrousel de Paris. Le jour de la Pentecôte À l'intérieur, la décoration est simple et de bon goût. La salle du night club est peinte en bleu sombre avec des étoiles qui piquent les murs de taches plus claires. Autour de la piste de danse, qui sert également de scène, de' petites tables rondes. Les baies vitrées ouvrent sur la mer. Dans ce cadre de boîte de nuit hollywoodienne, évolue le patron, Henri Azzopardi, petit homme brun et jovial qui a hérité de ses origines maltaises le sens des affaires. Henri Azzopardi - Riri tout court pour une multitude d'amis appartenant à tous les milieux - est également propriétaire de la brasserie le Novelty et d'un autre dancing, le Fantasio, deux établissements proches de l'hôtel Aletti. Le dimanche 9 juin, jour de Pentecôte, aucun membre du personnel du Casino de la Corniche ne remarque que l'un des plongeurs, un musulman d'une quinzaine d'années, vient prendre son service avec un paquet sous le bras. Ce paquet, en apparence parfaitement inoffensif, est une redoutable bombe de deux kilos que lui a fait remettre Yacef Saadi. L'employé a accepté de la dissimuler sous l'estrade de l'orchestre à la condition d'être pris en charge par le F.L.N. avant qu'elle explose et d'être acheminé ensuite vers le maquis.

À partir de 16 heures, la salle du Casino commence à se remplir de couples. Il y a beaucoup de garçons et de jeunes filles qui ont préféré la danse plages. On échange des signes amicaux avec les musiciens de Lucky Starway. Ce sont tous des Algérois. Certains sont même des enfants de Bab-el-Oued. A commencer par Lucien Serror, colosse de trente-cinq ans dont le visage rond et perpétuellement souriant est barré d'une fine moustache noire. Quand il a monté son orchestre avec des copains, il lui a donné le nom de Lucky Starway. Pour un ensemble de jazz, ça fait plus sérieux que Lucien Serror. En tout cas, c'est plus dans la note.

Il est 18 h 30. On danse au coude à coude et joue contre joue sur la piste cirée du Casino de la Corniche. Sur l'estrade, Lucky Starway dirige ses musiciens. Les garçons en veste blanche se faufilent à travers les tables pour apporter les consommations. Le soleil est encore haut dans le ciel et embrase-la mer. C'est un dimanche comme les autres, un dimanche de détente pour toute une jeunesse qui a provisoirement chassé de son esprit la guerre et le terrorisme., Et pourtant !... Comme s'ils venaient d'échapper à l'enfer Soudain, en quelques secondes, c'est le drame. Une terrible explosion secoue tout l'établissement. Un souffle d'une puissance inouïe balaie la salle, qui s'emplit instantanément de fumée et de poussière. À travers ce nuage on distingue des fantômes qui titubent avant de s'abattre dans un invraisemblable désordre. Sous l'effet de la bombe, l'estrade a été littéralement pulvérisée, projetant musiciens et instruments dans tous les sens. Rien n'a résisté à la déflagration. Des dizaines de corps sont allongés parmi les débris de tables, de chaises, de verre pilé. Le piano, éventré, tient en équilibre sur un pied